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Business Case : Comment la rédaction d’une mission d’entreprise devient un levier de management et de création de valeur ?

La demande : provoquer un alignement des équipes avec les associés dirigeants.

Enjeu : éviter une approche descendante, basée sur une volonté pédagogique légitime, mais induisant une symbolique hiérarchique peu propice à l’idée d’alignement. Nous avions partagé avec les dirigeants deux sujets d’étonnement :

  • Si la mission est rédigée par les associés, comment provoquer de l’alignement alors que le processus induit par lui-même une symbolique hiérarchique ?
  • Si la mission est rédigée par les associées, comment s’assurer que cela n’induise pas auprès des parties-prenantes une acceptation polie, sans contribution critique légitime et bénéfique pour la proposition de valeur de l’entreprise ??

 

Principes philosophiques de la mission : Le concept « d’identité narrative », chez Paul RICŒUR et le concept de « monde » chez Nelson Goodman.

  • L'identité narrative: Selon Ricœur, notre identité personnelle se construit et se comprend à travers le récit de nos expériences et actions dans le temps. Cette théorie s'oppose à l'idée d'une identité fixe et immuable. Ricœur affirme que les histoires que nous racontons sur nous-mêmes et celles que les autres racontent à notre sujet façonnent notre identité. Ces récits intègrent nos expériences passées, présentes et futures, et permettent de donner un sens à notre vie en tant que cohérente et continue malgré les changements et les contradictions. Ainsi, l'identité narrative est dynamique, évolutive, et se forme à travers l'interaction entre l'individu et son environnement socioculturel.
  • Le Monde: Pour Goodman, la réalité n'est pas un ensemble fixe de faits, mais est plutôt construite par nos systèmes symboliques, tels que le langage, l'art et la science. Il soutient qu'il existe de multiples "mondes" au lieu d'un seul monde objectif. Chaque monde est une version différente de la réalité, façonnée par notre cadre conceptuel et nos moyens de compréhension. Goodman rejette l'idée d'un monde sous-jacent universellement valide; au contraire, il affirme que les différentes versions du monde sont créées à travers nos pratiques discursives et symboliques. Ainsi, la vérité et la réalité sont relatives à chaque système symbolique, et les mondes que nous construisons et habitons sont autant de manières légitimes de comprendre et d'interpréter notre environnement.

 

Nous avons donc déduit de ces deux concepts trois principes de méthode :

  • La rédaction finale devra être le résultat de l’alignement des mondes et des identités.
  • La rédaction finale devra être le résultat d’un principe de traductions mutuelles des expressions singulières.
  • Le processus de rédaction devra s’attacher à résoudre, comprendre et traduire les écarts d’expression sans renier les écarts de monde et d’identités.

 

Nous étions donc conscients d’une limite inhérente à toute démarche de traduction : pas de traduction sans trahison et assumions un présupposé clair : identifier les écarts facilite l’orchestration des convergences.

 

Ici, le philosophe apparaît comme un concepteur de méthode. Il utilise les concepts comme des outils opérants pour interroger les principes d’action.

 

Concrètement :

  • Nous avons eu trois démarches parallèles, associées aux niveaux hiérarchiques de l’organisation : la production, le management, les associés. Plutôt que de présupposer que les niveaux devaient être mélangés au nom d’un travail commun et convergeant, nous avons donné crédit à l’idée que chaque niveau hiérarchique pouvait relever d’un monde singulier, méritant son expression singulière.
  • Nous avons ensuite analysé les convergences et les divergences des productions pour identifier les « déjà traduits », les « restes à traduire », et les écarts de perceptions plus fondamentaux.
  • Nous avons proposé une rédaction martyr de la mission qui a été retravaillée dans les trois groupes initiaux en expliquant la démarche de travail que nous avions eu pour engager un niveau d’appropriation construit sur le partage des mondes et des identités, et non sur la seule sémantique des mots.
  • Ce dernier travail nous a permis d’accoucher d’une version finalisée du texte de la mission, et ce travail a eu des effets inattendus :
    1. La reformulation d’une politique managériale partagée : car la prise de conscience des écarts a mis en lumière la part du management dans la génération des écarts.
    2. Une nouvelle répartition des rôles construite sur la vision commune de la mission.
    3. De nouvelles propositions de valeurs sur le marché, corrélant les intuitions des dirigeants et des collaborateurs.rices, au nom du principe de « ceux qui font, savent ».

 

In fine, au motif d’une mission de gouvernance, la rédaction de la mission a été un prétexte à de nouvelles propositions de valeur.

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