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Le Dialogue, pilier du management des changements et des transitions

Nous entendons malheureusement trop souvent des choses comme « pourquoi ne veulent-ils pas faire ce qu’on leur demande ? » ou encore « Ce n’est pas si compliqué à comprendre pourtant ?! » ou également « Mais pourquoi sont-ils autant enfermés dans leurs habitudes » … puis viennent ensuite des expressions de désillusions : « de toute façon, ici, rien ne change » ; « c’est une grosse machine, ils ne sont pas capables de se transformer » … Mais souvent, ces phrases émergent dans un contexte où l’on n’a pas questionné un présupposé courant : « ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement ». Cet adage pédagogique, qui considère que la meilleure expression implique la meilleure compréhension, entraîne de graves erreurs managériales. On en oublierait bien vite que le pédagogue n’est pas celui qui éduque et fait changer que d’abord celui qui conduit à l’éducation ; il était cet homme qui prenait par la main les enfants pour les conduire à l’école.

Autrement dit, peut-être est-il temps d’arrêter de se demander comment être toujours plus clair, mais d’interroger le processus même de la communication des changements. Chez Noetic Bees, nous pensons que le dialogue est une compétence fondamentale du pédagogue. Autrement dit, c’est n’est pas dans la clarté de l’élocution que se joue le changement, mais dans son questionnement. Car le dialogue n’est pas une simple conversation ; il est une forme d'échange structurée et profonde, permettant non seulement de partager des informations, mais aussi d’en faciliter l’appropriation.

À ce titre, la qualité du dialogue se joue à trois niveaux. D’abord, et de manière contre-intuitive, le bon dialogue ne commence pas par la qualité du fond des échanges, mais par l’exigence que l’on porte sur la forme de nos échanges. Et pour y parvenir, on doit s’appuyer sur des indicateurs qui nous permettent de la qualifier, de l’orienter, de mieux la cerner. Ensuite le bon dialogue repose sur une attention partagée des participants aux participants eux-mêmes : comprendre comment ils pensent, dans quelle « philosophie d’action » ils se trouvent, savoir se traduire entre eux… Enfin, le bon dialogue repose sur la qualité des questions posées par les participants, notamment dans la capacité qu’elles ont à interroger les impensés, les croyances sous-jacentes des positions et des choix. En clair, on est assez loin de la conversation, et on est encore plus loin du débat : on ne vient pas pour vaincre un adversaire, mais on accepte comme préambule que chacun va perdre un peu pour que tout le monde y gagne.

 

  1. Les Indicateurs platoniciens du Dialogue

 

Chez Noetic Bees nous avons pris le temps de lire et de relire les dialogues de Platon qui faisait de la qualité du dialogue une des règles de fonctionnement de son Académie. En recoupant, et évidemment en interprétant aussi, nous avons proposé une grille de lecture de la notion : il n’y a pas de dialogue sans ses quatre piliers fondamentaux :

-       L'écoute - ne pas savoir ce que je vais dire avant que l’autre ait terminé sa phrase.

-       L'argumentation - Se donner des raisons de soutenir ou de croire dans telle ou telle proposition.

-       Le questionnement - Interroger jusqu’à ses propres croyances pour s’autoriser à évaluer des hypothèses contraires.

-       La franchise - Oser dire à ses interlocuteurs le fond de sa pensée, aux frontières de la rupture.

 

Ces quatre piliers peuvent être considérés comme des indicateurs de la qualité formelle des échanges. Et venir évaluer régulièrement cette qualité formelle, c’est se donner des moyens de mieux comprendre les inerties dans lesquelles nous entrons facilement, les résistances auxquelles nous nous prêtons. Ces quatre piliers permettent de construire un dialogue vrai, c’est-à-dire qui va au-delà du superficiel, favorisant une vraie appropriation des processus de changements, de transition et de transformation dans lesquels nous sommes embarqués.

 

Cas concret : Dans un hôpital, nous avons accompagné une situation de conflit qui résultait d’une note de service de la direction des soins à propos de la mobilité interservice sur la période des fêtes. En clair, la direction demandait aux professionnels de proposer une organisation qui permettrait d’assurer la pérennité des soins compte tenu du taux élevé de congés sur cette période, en respectant les règles de roulements, de services minimums, etc. N’ayant aucun retour des professionnels, la direction a fini par statuer sur une organisation et l’a imposée aux professionnels.

Nous sommes intervenus dans un cas de dialogue rompu : les équipes jugeaient l’autoritarisme de la direction insupportable, alors même que celle-ci avait été très claire sur les délais, le cadre, la liberté dont ils pouvaient se saisir, etc. Pire, certains avaient le sentiment d’avoir répondu à la demande en fournissant des propositions de roulements… en équipe. Notre intervention a consisté dans la création d’un temps de dialogue pour 1) mieux comprendre la demande 2) mieux comprendre la décision, étant entendu que les délais étaient trop courts pour proposer quelque chose de nouveau.

Ce dialogue a permis de montrer que les professionnels n’avaient pas compris la demande, l’avaient même comprise à partir de présupposés manquant d’une dimension « établissement », et s’y était opposé ne voyant finalement pas quel était le problème de fond. Et de les entendre « maintenant ils viennent casser quelque chose qui marche alors que ce n’était pas nécessaire ! ». Mais la demande de l’établissement était « interservices », c’est-à-dire au-delà des équipes. Mais personne n’a questionné les présupposés de la demande et de l’interprétation qui en était faîte.

 

  1. S'ajuster à son interlocuteur : pas de dialogue sans intelligence de la relation

 

Un bon dialogue nécessite également une capacité d'adaptation à son interlocuteur. L’ensemble des tests de personnalité, ou les outils de « profilage », permettent in fine de mieux comprendre le fonctionnement intellectuel et opérationnel de nos collègues. Pour ne citer qu’eux, le DISC - les couleurs - ou le MBTI sont des outils très connus de ce type d’approche. C’est essentiel dans le dialogue. Car sans cette bonne compréhension, alors on a une tendance à la conflictualité croissante. Chez Noetic Bees, nous proposons un modèle alternatif, les 4 Philo-Fantastiques, qui repose sur 4 grandes philosophies du monde occidental. Notre idée était moins de nous concentrer sur les individus que sur les philosophies auxquelles ils peuvent se raccrocher. De manière logique, personne ne rentre alors dans une case, car nous nous approprions les philosophies en fonction des situations et des schémas d’actions que nous avons à opérer. L’enjeu n’est donc pas de savoir dans quelle case nous sommes, mais de comprendre comment utiliser le modèle pour mieux clarifier aux autres ce que nous voulons faire, comment nous voulons le faire et comment nous avons compris ce que nous faisons. En clair, le modèle est autocritique.

 

Cas concret : Vous êtes manager et vous avez à piloter un projet X. Ce projet repose sur un certain nombre d’attendus qui ne sont pas à vos yeux questionnables. Et ça vous agace beaucoup quand, dans votre équipe, certain.e.s se permettent de questionner le projet, ses finalités, son sens. Vous y voyez une perte de temps potentielle et vous préféreriez qu’on se concentre sur le cœur de la demande : non pas le « quoi », mais le « comment ». En un sens vous avez raison, mais le modèle des 4PF vous apprendra a minima 1) que le questionnement des finalités est en réalité un processus d’appropriation des acteurs 2) que ce processus d’appropriation peut prendre plusieurs formes qui sont toutes pertinentes 3) que votre rôle face à ces réactions n’est pas d’imposer, mais de jouer le jeu de la question pour l’accompagner. En clair, le sujet n’est pas tant vos collaborateurs.rices, mais votre capacité à tenir le cadre et les finalités, c’est-à-dire les argumenter, à les questionner et, vous-même, à vous les approprier réellement.

 

 

  1. Identifier et questionner les Croyances sous-jacentes

 

Un aspect souvent négligé dans le dialogue est l'identification et le questionnement des croyances sous-jacentes. Chaque personne porte en elle un ensemble de croyances et d'idées préconçues qui façonnent sa vision du monde - Cf. Modèle 4PF, histoire personnelle, etc. Le facilitateur efficace d’un processus dialogique saura reconnaître ces croyances et les mettre en question de manière respectueuse pour ouvrir la voie à une meilleure compréhension mutuelle et à des perspectives nouvelles. Cela implique d'utiliser des questions stratégiques pour explorer les raisons derrière les opinions et les attitudes de l'autre. Cela implique également d’interroger les niveaux logiques des croyances pour mieux les questionner. Bref, il faut être un peu philosophe et savoir poser de bonnes questions.

 

Cas concret : Bernard est manager, mais depuis quelque temps il n’est pas en forme. Il a le sentiment que tout l’ennui, que ses équipes l’agacent et il finit par nourrir l’idée qu’il n’est pas un bon manager. Bernard s’en ouvre à ses collègues : « je crois que je ne suis pas un bon manager parce que je n’aime pas les gens ». De manière classique, Bernard observera deux réactions : 1) celles et ceux qui vont parler des preuves de sa qualité managériale, arguant du fait que ses équipes l’adorent, qu’il obtient des résultats et que c’est tout ce qui compte. 2) Celles et ceux qui vont parler de son vécu intérieur, de sa posture ajustée, de recherche de juste puissance, et qui vont lui conseiller d’en parler avec son n+1. Mais son manager, formé par nos soins, remarquera que Bernard formule une équivalence : « aimer les gens » = « être un bon manager ». On peut s’étonner de cette équivalence, car elle n’a rien d’évident : le « manager » doit-il aimer les gens ? N’est-ce pas aussi parfois le début de nombreuses erreurs managériales ? Son n+1 lui fera alors remarquer que « aimer les gens » n’est pas une condition nécessaire et suffisante de la qualité managériale. Il s’agira plutôt de savoir les « estimer ». Car sa capacité managériale repose sur cette compétence.

 

Conclusion : Le Dialogue comme Outil d'Accompagnement au Changement

 

Parce qu’il est un outil d’appropriation, le dialogue doit se penser comme un processus structuré et structurant. Il doit être modélisant pour vous et pour vos collaborateurs.rices. En cela, il devient un outil d’accompagnement des changements. Il exige de vous, managers, de changer de posture : vous ne serez plus le manager qui dicte, ordonne et pilote ; vous serez nécessairement celui qui concerne, co-construit et accompagne.

Dans un processus de changement, qu'il soit personnel, organisationnel ou sociétal, le dialogue facilite l'expression des préoccupations, l'échange d'idées et la recherche de solutions. Il permet aux individus de s'approprier le changement, en les impliquant activement dans le processus. En fin de compte, un dialogue efficace et bien mené n'est pas seulement un moyen de communiquer ; c'est un levier essentiel pour une transformation réussie et harmonieuse.

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